Klimawandel

Protection climatique : ce qui est bien intentionné n'est pas forcément bien réalisé

En matière de protection climatique, les idées irréalistes que nous avons en tête nous empêchent d'avoir une vision globale.

Cet article a été rédigé dans le cadre de l'académie d'été «Nachhaltigkeit – People, Planet and Profit unter verschiedenen Gesichtspunkten» de la Fondation suisse d'études et a bénéficié du soutien rédactionnel de Reatch.

En effet, les idées préconçues nous induisent souvent en erreur. C'est particulièrement vrai pour un sujet comme la protection climatique, qui est traité depuis des décennies par différents acteurs scientifiques, politiques et économiques. En conséquence, un grand nombre d'affirmations et d'idées trompeuses ont pu s’installer dans l'esprit des gens.

Deux sondages représentatifs aux États-Unis et en Allemagne ont par exemple montré que les personnes interrogées évaluent mal l'efficacité de nombreuses mesures de protection du climat [1]. Ainsi, renoncer aux sacs en plastique et de consommer davantage de produits régionaux a une grande importance dans l'esprit de nombreuses personnes lorsqu'il s'agit de réduire les émissions de CO2. Pourtant, ces deux éléments ont un impact relativement faible. En revanche, si renoncer à la viande réduit bien davantage l'empreinte carbone individuelle, cela n'occupe qu'une place secondaire dans l'esprit des personnes interrogées.

Cet écart entre l'efficacité perçue et l'efficacité réelle permet de conclure que l’impact de nos comportements individuels sur le climat est souvent bien moindre que ce que nous pensons. Cela implique le risque que nous nous concentrions, dans le cadre du débat public sur la protection climatique, sur des mesures (trop) peu efficaces et que nous passions ainsi à côté de défis décisifs.

Le débat sur la mobilité climatiquement neutre en est un bon exemple. Éviter de voyager en avion ou en voiture a certainement un impact plus important sur les émissions globales de CO2 que de renoncer aux sacs plastiques. Mais la pandémie actuelle montre clairement que même en renonçant largement à prendre l'avion ou à conduire une voiture, le changement climatique ne pourra pas être stoppé. Avec la fermeture des frontières et des confinements nationaux décrétés dans de nombreux pays, le trafic aérien international et le trafic intérieur ont enregistré une chute drastique. Cette chute a permis une baisse mesurable des émissions de CO2, qui, comparée au total des émissions de CO2 est plutôt faible [2]. Comme la part des émissions mondiales de CO2 provenant des avions et des voitures tient en un pourcentage à un chiffre, il n'est pas possible d'atteindre l'objectif fixé. En effet, la majeure partie des émissions mondiales de CO2 proviennent des producteurs d'électricité, du secteur agricole et de l'industrie lourde. Même si l'on renonçait totalement aux déplacements en avion et en voiture, cela ne suffirait pas pour atteindre les objectifs climatiques fixés lors de la Conférence de Paris [3].

Pour autant, doit-on sombrer dans le fatalisme, individuellement et collectivement, et cesser d’agir contre le changement climatique ? La réponse est évidemment non. Ceux qui ont à cœur de limiter les émissions de CO2 doivent continuer à acheter local, mais ne pas oublier qu’un morceau de viande suisse est plus nuisible au climat que des fraises provenant d’Espagne [4]. De même, il est utile de poursuivre la décarbonisation de la mobilité, sans perdre de vue les nombreux autres défis politiques, économiques et technologiques liés au changement climatique. Il s'agit par exemple de savoir comment atteindre les températures élevées, nécessaires à la fabrication de l'acier ou du ciment, sans impact sur le climat et à un prix abordable [5].

Nous devrions en tout cas cesser de considérer la gestion du changement climatique comme une question de comportements personnels exclusivement. Même si nous décidions tous, chacun à notre niveau, de rendre notre quotidien plus respectueux du climat, cela ne suffirait pas pour atteindre la neutralité climatique. En tant qu'individu, je peux certes décider de ce que je mange, de l’endroit où je fais mes courses ou de la manière dont je me déplace. Mais je n'ai pas la possibilité, à moi seul, de faire en sorte que la production mondiale d'énergie atteigne la neutralité en termes de CO2. Ceci ne peut se faire que par le biais de mesures coordonnées à l'échelle internationale, économiquement viables, et qui bénéficieraient d'un large soutien politique.

L'article original est disponible ici.

Références

[1]

Bilstein, Frank (2019). What reduces our personal CO2 footprint? We have no clue! (https://www.linkedin.com/pulse/what-reduces-our-personal-co2-footprint-we-have-clue-frank-bilstein/, consulté le 10 mai 2020).

[2]

Fulterer, Ruth (2020). Corona rettet das Klima nicht. NZZ (https://www.nzz.ch/international/das-coronavirus-stoppt-den-klimawandel-nicht-ld.1553304, consulté le 10 mai 2020).

[3]

Ibid.

[4]

Clune, Stephen, Enda Crossin et Karli Verghese (2016). Systematic review of greenhouse gas emissions for different fresh food categories. Journal of Cleaner Production (https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652616303584 ?, consulté le 10 mai 2020).

[5]

Roberts, David (2020). This climate problem is bigger than cars and much harder to solve. Vox (https://www.vox.com/energy-and-environment/2019/10/10/20904213/climate-change-steel-cement-industrial-heat-hydrogen-ccs, consulté le 10 mai 2020).

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Servan Grüninger est cofondateur et président de Reatch. Il a commencé ses études par les sciences politiques et le droit et a obtenu un diplôme en biostatistique et en informatique. Il prépare actuellement un doctorat en biostatistique à l'Institut de mathématiques de l'Université de Zurich. Plus d'informations: www.servangrueninger.ch.

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